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Speciale Mali

Tak Force Takuba al massimo della capacità operativa

Con il sorvolo degli elicotteri, 1 CH-47F “Chinook” e 3 AH-129D “Mangusta”, in formazione quartetto sulla base operativa avanzata (Forward Operating Base, Fob) di Menaka in Mali, ieri è stato sancito di fatto il raggiungimento della piena capacità operativa (Full Operational Capability, Foc) da parte del contingente italiano schierato nel Sahel, nell’ambito dell’Operazione Barkhane, espressione di una coalizione internazionale a guida francese. Lo riferisce un comunicato stampa del Comando operativo di vertice interforze (Covi). Sin da luglio 2021, quando è iniziato lo schieramento del contingente italiano, è stata avviata un’intensa attività addestrativa finalizzata a rafforzare e implementare l’interoperabilità con gli assetti della coalizione. Circa 200 militari italiani opereranno all’interno della TF Takuba, garantendo capacità di evacuazione medica del personale della coalizione in operazione mediante l’impiego dei 3 velivoli da trasporto CH 47 F del Primo reggimento aviazione dell’Esercito, in configurazione “medevac” che si avvarranno della necessaria cornice di sicurezza assicurata dai 3 elicotteri da esplorazione e scorta AH – 129D “Mangusta”, del Quinto e Settimo reggimento della Brigata aeromobile dell’Esercito, inquadrati nella Task Force “Jacana” agli ordini del colonnello Andrea Carbonaro, primo comandante del contingente italiano in Mali.

Crise du Malì

Emmanuel DUPUY, Professeur de Géopolitique, Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe IPSE (think tank indépendant situé à Paris, créé en 1980 dédié à l’analyse prospective de l’espace géopolitique européen, notamment son voisinage stratégique méridional et oriental), ancien Chargé de mission au sein de plusieurs cabinets ministériels (Défense et Anciens Combattants), ex chargé d’études au sein de l’IRSEM (Institut de Recherche et d’Etudes Stratégiques de l’Ecole Militaire).

 

Propos recueillis le 5 avril 2013

 

Que révèle la série des démissions au Ministère des Affaires Etrangères sur le sujet malien ? Les perspectives d'accompagnement et de développement en sont-elles fragilisées ?

 

ED : La nomination de Monsieur Gilles Huberson, qui est maintenant notre nouvel ambassadeur au Mali, témoigne effectivement d’un changement de nature dans la sociologie de notre représentation diplomatique qui met effectivement en danger ce que vous évoquez mais ouvre également une autre perspective que l’on n’a pas nécessairement à l’esprit. Les autres mandatés sur la zone Sahel (de l’Union Européenne, de l’Union Africaine ou encore le représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU) ont tous des profils très politiques et très diplomatiques (anciens présidents ou ayant exercé des fonctions étatiques). Or, il se trouve que nous avons choisi de ramener quelque peu la gestion de ce dossier à la question sécuritaire. Il s’agit dès lors de convaincre les interlocuteurs français (les ONG, les ministères des Affaires Etrangères et de la Défense) que l’ambition de sécurisation rejoint celle de la stabilisation.

 

C’est là où il y a sans doute un problème parce que la nature même de notre implication sur le terrain est encore très éloignée de cette mission de stabilisation. On est encore dans une phase de contre-terrorisme, pas encore dans une opération plus globale de lutte contre le terrorisme. Lutter contre le terrorisme, c’est faire en sorte d’asseoir la bonne gouvernance, faire en sorte de prolonger l’action d’aide au développement sur le plus long terme, trouver une réponse au problème des réfugiés et les réinstaller sur les terres dont ils ont été chassés. Tout ça pour dire que je ne suis pas certain que la configuration actuelle de notre outil diplomatique puisse répondre à ces problèmes…encore.

 

Tout le monde sait que le Ministère de la Défense a annoncé que nous partirions à la fin du mois. Il a évoqué le départ de 3 000 soldats, laissant 1 000 soldats français sur le territoire. Mais il n’a pas évoqué la suite : à savoir, qui viendrait assurer la suite, dans une perspective de continuum de la sécurisation du Nord-Mali. C’est sans doute là qu’il y a un énorme travail à faire et je ne suis pas certain que cela puisse être mis en place à travers l’outil de coordination que nous avions jusqu’alors. Il s’agissait d’une Task Force Sahel qui regroupait non seulement le Ministère des Affaires Etrangères et de la Défense, mais aussi d’autres acteurs étatiques. Il se trouve que dorénavant la Task Force dont l’on parle - à savoir une mission similaire de coordination interministérielle Mali-Sahel (MMS) au sein de la Direction de l’Afrique - Océan Indien (DAOI) du ministère des Affaires étrangères - est une mission qui regroupe quasi-exclusivement ces seuls deux ministères.

 

 

 


Que sait-on des axes de travail de Michel Reveyrand de Menthon (mandaté par l'UE) pour une solution politique durable au Sahel ?  Quels en seraient les enjeux au titre du développement de la région sahélienne ?

 

ED : La mission du Représentant Spécial chargé de la mise en œuvre de la Stratégie de l’UE pour le développement de la sécurité au Sahel - péniblement adoptée en mars 2011, dans l’optique de traiter la crise au Sahel sous une « approche globale » - comporte 4 volets et s’articule en actions de court terme (inférieures à 3 ans) et de long terme (de 5 à 10 ans) : 

 

 

       -   Développement, bonne gouvernance et règlement des conflits internes ;

 

      -   Action politique et diplomatique ;

 

      -   Sécurité et Etat de droit ;

 

      -  Prévention et lutte contre extrémisme violent et radicalisation.

 

 

Le premier volet consiste à réinstaurer la bonne gouvernance au Mali, le deuxième à réaffirmer une homogénéité de la sécurité sur l’ensemble du territoire, le troisième à veiller au processus politique en assurant la tenue d’élections libres et transparentes. Le Ministre Français des Affaires Etrangères Laurent Fabius était il y a de cela quelques jours au Mali pour réaffirmer l’ambition française qui est que la France souhaite avec insistance que les élections soient impérativement organisées d’ici le 31 juillet prochain. Inutile de vous dire que quand on revient du Mali, ce qui est mon cas il y a de cela quelques semaines, il est clair que c’est un vœu pieux. C’est littéralement et matériellement impossible. Mais toujours est-il que c’est une ambition !

 

L’UE a, pour sa part, une autre ambition, qui est d’assurer la transition en accord avec l’agenda de la Communauté Internationale. Et c’est toute la réflexion sur la passation de pouvoir, la transmission, entre l’Opération Serval, la montée en puissance de la MISMA renforcée par les soldats Tchadiens, et la mise en place concomitamment d’EUTM Mali (la mission européenne entamée depuis la semaine dernière pour la formation de 4 régiments de l’armée malienne – 3 000 hommes - en 15 mois).La dernière mission à laquelle doit donc s’atteler « Monsieur Sahel » de l’UE, c’est l’instauration d’un climat politique stable (en lien avec les autres Monsieur Sahel mandatés par les autres interlocuteurs internationaux) en vue de mettre en place un processus de Réconciliation nationale. C’est à ce titre qu’a été mis en place un Comité Dialogue et Réconciliation (effectif depuis le 6 mars dernier, mais dont seulement trois membres sur trente ont été désigné) et d’un Comité de Réforme des Forces Armées, sous l’autorité du Capitaine Sanogo. Une des ambitions auxquelles l’UE tient beaucoup, et qui s’inscrit également dans celles auxquelles traditionnellement la Communauté internationale s’attelle, est le contrôle politique et parlementaire des forces armées (DDR) et la Réforme des Systèmes de Sécurité (RSS). Voilà à peu près le canevas de l’action de Monsieur Sahel.

Et en arrière plan, il reviendra à Michel Reveyrand de Menthon de réaffirmer l’engagement réel de l’UE, critiquée pour son absence « ostensible » alors même qu’elle est engagée depuis une décennie à travers un saupoudrage d’actions, selon l’image d’une lente sédimentation. Cela fait une dizaine d’années, en effet, que l’UE investit non seulement le Mali mais l’ensemble de la sous-région à travers des financements importants de l’ordre d’un milliard et demi d’euros, L’UE distribue, en effet, une enveloppe financière consacrée à des projets de développement d’une ampleur considérable : 503 millions d’euros pour le Mali, 458 millions pour le Niger et 156 millions pour la Mauritanie. Au-delà, une mission d’assistance et de conseil des forces de sécurité nigérienne au Niger (EUCAP Sahel- Niger) et un certain nombre de projets de formation et de lutte contres les trafics (tels que la mise en place d’un Projet de Collège Sahélien de Sécurité qui devrait s’appuyer sur le modèle de l’Ecole de formation au maintien de la paix situé à Kolikoro à une soixantaine de km de Bamako ; la mise en place d’une sorte d’INTERPOL de l’Afrique de l’Ouest : le West African Police Information System (WAPIS), partie intégrante du plan d’action de l’UE contre le narco-trafic, et bien évidemment un soutien aux forces armées locales afin qu’elles soient au niveau pour combattre les menaces qui pèsent - au-delà du Mali - sur plusieurs pays de la sous-région).

 

La tenue des élections présidentielles prévue pour Juillet permettra-t-elle selon vous de reconstituer une cohésion nationale devenue fragile ?

 

ED : Je pense qu’il faut séquencer la question électorale en deux temps bien distincts. Il faut avoir à l’esprit que s’il est vrai que cela s’inscrit dans une volonté très forte de la Communauté Internationale (parfois qualifiée de diktat étranger) il n’en reste pas moins que c’est la réponse à la demande formulée par le Président intérimaire Dioncounda Traoré. C’est ce qui fait suite à la Feuille de route adoptée par le Parlement (lui aussi temporaire) le 29 janvier dernier. Il est question de la tenue des élections (ce qui s’annonce difficile pour des questions logistiques, climatiques - début de l’hivernage -, religieuse et pratique – début du Ramadan - et évidemment pour des questions de sécurité - maintien de poches de résistance djihadiste autour de Gao et Tombouctou - et qu’il va être très difficile d’assurer de manière homogène sur le territoire). Mais ça n’est que le contenant, et c’est surtout le contenu qu’on oublie ! Le contenu c’est d’avoir d’ici fin 2013 un Parlement, un Gouvernement, une Armée reconstituée et des institutions qui fonctionnent au Sud comme au Nord du pays. Et c’est sans doute là qu’il y a une marge de manœuvre sur laquelle la Communauté Internationale et la classe politique malienne doivent s’entendre.

 

On focalise trop, me semble-t-il, sur les élections et pas suffisamment sur un consensus qui pourrait se faire autour de personnes pour reconstituer le paysage politique malien en déshérence, bien avant le coup d’Etat du 22 mars 2012. Actuellement il y a 16 candidats déclarés pour 148 partis. Il s’agit de reconstituer une classe politique, pour l’instant évanescente d’autant qu’au-delà de ces 16 candidats, il y a très peu de programmes et d’appropriation citoyenne de ceux-ci, fautes de liens entre ces candidats cantonnés à Bamako et au sud du pays et le reste de la population. A titre d’exemple, un des candidats les plus emblématiques, Moussa Mara, le maire du 4ème secteur de Bamako n’a passé que quelques heures à Tombouctou. Il est vrai que bien que les trois régions septentrionales du Mali représentent les 2/3 de la superficie du pays, seuls 10% de sa population y réside. Il n’y a pas à proprement parler de définition de ce que devrait être un corpus idéologique et on n’arrive pas à se poser la question de la nature même du pouvoir et de l’Etat. La question du rapport centre-périphérie reste à l’état embryonnaire. Et la question qui sera posée lors des élections reste fondamentalement centrée sur deux principales interrogations :

 

  • Les institutions qui n’ont pas empêché la tenue du coup d’état sont elles encore légitimes et pertinentes ?
  • Rien n’est-il réglé quant à la coexistence entre les vingt-deux ethnies qui composent le Mali ?

Pour l’instant, c’est deux légitimes interrogations restent encore trop peu présentes dans la rhétorique des déclarations politiques en vue des élections.

 

 

Le MLNA semble avoir joué un rôle important dans la reconquête du Nord Mali et n'a pas renoncé aux revendications autonomistes qui l'opposent à Bamako. Quelles sont les solutions politiques envisagées pour apaiser durablement les relations entre ces deux entités ?

 

ED : C’est une question très délicate parce que les uns et les autres ne se parlent plus directement, et que la médiation engagée depuis plusieurs mois sous les bons offices du Président Burkinabais, Blaise Campaoré, est totalement dépassée. A une époque il y avait des convergences - du moins, une base commune de dialogue - même si elles ont été battues en brèche et invalidées au fur et à mesure qu’elles se confirmaient, mais il y avait au moins un tiers acteur qui permettait ce dialogue. Ce dialogue n’a désormais plus cours, comme celui engagé à Alger. Il y a des fins de non recevoir de part et d’autres, les deux parties s’accusant réciproquement d’avoir commis des exactions et Amnesty International et Human Rights Watch ont raison de pointer du doigt les exactions qui ont effectivement été commises. Le Mali a, pour sa part, saisi la Cour Pénale Internationale et a émis 28 mandats d’arrêts, parmi lesquels 11 concernent des membres du MLNA. Le MNLA lui a répondu en faisant de même !

 

Tant que cette question ne sera pas réglée, avec qui dialogue-t-on ? La Commission de Réconciliation Nationale est actuellement en place, présidée par l’ancien Ministre de la Défense et ex-ambassadeur du Mali à Paris, Mohamed Salia Sokona - auquel s’ajoutent ses deux vice-présidents (Traoré Oumou Touré, Présidente de la Coordination des associations féminines du Mali et de Méti ag-Mohamed Rhissa - Lieutenant-colonel des Douanes, touareg originaire de la région de Kidal et qui est le père de l'épouse de Moussa Ag Assarid, porte-parole du MNLA à Paris)…mais sa mission est titanesque puisqu’il doit mettre autour de la table des gens qui ne se reconnaissent pas mutuellement de légitimité.

 

S’ajoute à cela la question de la représentativité. D’une part le MLNA refuse de dialoguer avec un gouvernement intérimaire tant que la tenue des élections n’est pas une réalité, parallèlement les Maliens disent que le MLNA n’est pas représentatif puisque dans les trois régions dont il se réclame (Tombouctou, Kidal et Gao) la population touarègue varie entre 15 et 30% de ses habitants. Certains disent qu’au sein même de cette communauté, le MLNA ne représenterait pas une majorité de points de vue, d’où un débat sur la notion de la touaréguité et la représentativité de la population touarègue. De vous à moi, je ne suis pas convaincu que des négociations puissent s’établir directement entre le Gouvernement de Bamako et le MLNA. Je pense plutôt à une conférence régionale, facilitée par un tiers-acteur (qu’il s’agisse d’un acteur exogène ou en lien avec des réalités sociétales endogènes) où une multitude d’acteurs prendraient la parole, forts de leur représentativité et de leur légitimité propre, qu’elle soit politique ou militaire.

 

La Commission CDR a ainsi beaucoup de mal à se mettre en place puisqu’elle n’est pas elle-même représentative de l’ensemble de la population malienne (en l’absence des populations du Nord : des songhaïs, des peuls, des touaregs, des maures…). Et cela est difficile à mettre en place, le prétexte en rendant sa réalisation difficile étant logiquement trouvé dans les opérations qui sont toujours en cours.

 

La guerre n’est pas encore terminée et on le constate de plus en plus avec le développement de pratiques asymétriques, du recours à la guérilla urbaine, qui ont d’ailleurs surpris beaucoup d’observateurs. On évoquait la stabilité à Tombouctou, et pourtant les deux derniers attentats suicide y ont eu lieu. On sait bien évidemment que Gao n’est pas non plus totalement sécurisée, eu égard dans ces deux dernières villes à la présence résiliente du MUJAO à ses abords voire encore dans son cœur.

 

 

Le retrait du gros du contingent français et la fourniture de moyens à l'armée malienne ne risque-t-ils pas d'engendrer une explosion des exactions dans le Nord vis à vis des populations indigènes ?  Quelles sont les sécurités prévues pour neutraliser cette menace dès lors que l'ONU a refusé le terme de "force d'interposition" pour sa future mission ?

 

ED : C’est actuellement un enjeu de savoir quelle est la mission qui va être confiée aux 11 200 casques bleus et aux 1 440 policiers, fréquemment évoqués et qui devraient être déployées sur le territoire. La vraie question, et c’est pour cela qu’une pression médiatique sera évidemment nécessaire, viendra de la réalité des problèmes que vous évoquez.

 

D’où l’importance de maintenir une présence militaire ! Actuellement, la France laisse penser que sur les 4 000 soldats de l’opération Serval, probablement 1 000 resteront sur le territoire malien, sans doute dans les zones où la situation sécuritaire reste fragilisée.  On évoque même la création d’une base militaire pérenne sur le modèle du dispositif Licorne en Côte d’Ivoire, Epervier au Tchad ou de l’opération Boali en Centrafrique. Ce pourrait être une nouvelle base de pré-positionnement militaire dans la zone sahélienne qui assurerait un droit de regard ou permettrait du moins de limiter, autant que faire se peut, les exactions que vous évoquez. Reste à savoir où elle devrait être installée. Tactiquement, au nœud de circulation entre Nord et Sud, sur le fleuve Niger, la localité de Sévaré offre quelques avantages. En même temps, Tessalit, dans une perspective géo-économique, en offrent d’autres.

 

L’UE a par ailleurs décidé de s’impliquer en mettant sur la table un certain nombre de moyens financiers. Elle part du principe que la MISMA est en attente urgente de financement. Lors de la tenue du dernier Sommet de l’UA à Addis Abeba, la Conférence des amis du Mali avait mis sur la table une somme de 360 millions d’euros, dont seuls 90 seraient arrivés à destination. Il y a donc un besoin urgentissime de financer la MISMA pour assurer sa crédibilité. L’UE a par conséquent décidé de porter sa participation de 20 à 50 millions d’euros. Mais, comme vous le savez, l’UE pratique la conditionnalité. Si les conditions ne sont pas remplies et qu’il y a preuve formelle d’exactions, il y aura une pression très forte sur le gouvernement impliqué, quel qu’il soit.

 

La mission de l’EUTM qui arrive un peu tard, devait initialement former les militaires maliens pour aller combattre au Nord.  Ce n’est plus réaliste. Il y a déjà 3 000 soldats maliens qui sont engagés dans ces combats. Et les bérets rouges (réputés proches de l’ancien président déchu, Amadou Toumani Touré) vont rejoindre les bérets verts dans le Nord en espérant qu’ils ne se tirent pas dessus comme il y a quelques semaines à Bamako. La mission EUTM a donc changé de nature. C’est la raison pour laquelle, au delà des 22 Etats européens engagés dans la mission, d’autres pays ont émis des propositions d’aide de service. C’est notamment le cas de la Géorgie et la Suisse avec pour objectifs d’assurer l’enseignement de rudiments de droit humanitaire international et d’éthique à l’armée malienne, de prodiguer non seulement un entraînement militaire et la fourniture d’équipements, mais surtout d’inculquer des notions de valeurs universelles aux militaires en vue de limiter les risques d’exactions. On n’est pas du tout sûrs que la mission de l’EUTM, dont le mandat n’est fixé qu’à 15 mois, ne doive pas durer plus longtemps.  Je pense que ça ne suffira pas à remplir les objectifs de  la mission qui sont de former quatre régiments maliens (quasiment la moitié de l’armée malienne, du moins ce qu’il en reste) d’ici 15 mois. Les premiers 670 soldats maliens seront formés d’ici l’été prochain. Inutile de vous dire qu’on sera très vigilant sur les compétences et les critères qui assureront cette sélectivité. Je crains hélas qu’on n’ait guère plus de moyens à disposition, à moins de rester pour faire de l’interposition entre les deux belligérants et je suis tout à fait certain que ça n’est ni dans l’agenda malien ni dans l’agenda français.

 

 

Edmond Mulet, sous-secrétaire général aux opérations de maintien de la paix de l'ONU, a pourtant déclaré dans la presse qu’il ne s'agissait pas de mettre en place une « force d'interposition » ou une « force tampon entre le Nord et le Sud ».

 

ED : C’est effectivement une question qui est en débat. Il y a deux lignes actuellement à l’ONU. La MINUMA est déjà une réalité puisqu’il y a une centaine de fonctionnaires de l’ONU qui sont déjà présents à Bamako avec un objectif d’accompagnement politique pour permettre la tenue d’élections au plus vite et selon des normes de transparence et de crédibilité internationales. Les hauts fonctionnaires onusiens sont beaucoup plus sensibles au contexte local, eux n’évoquent pas une date butoir. Pour que cette mission politique puisse être accomplie à Bamako il faut qu’il y ait parallèlement une mission militaire dans le Nord, et c’est là où les points de vue divergent. Est-ce que on transforme la MISMA en casques bleus ou est-ce qu’à côté de la MISMA on fait venir une force d’interposition sous le mandat chapitre 7 dans une logique d’imposition de la paix ? Nonobstant les déclarations que vous avez mentionnées, c’est encore un débat, non encore tranché ni à New York ni à Paris. La France pousse en cette seconde direction, je pense que les Etats Unis également. Après le départ des effectifs français à la fin du mois, il faudra bien combler les trous. L’ONU sera, à mon avis, obligée d’envoyer des troupes non africaines. Certains pays ont déjà évoqué leur disponibilité : le Canada, la Roumanie, la Géorgie. Peter MacKay, le Ministre de la Défense a affirmé être tout à fait prêt à envoyer plusieurs milliers de soldats canadiens renouant avec ce qu’avaient été les opérations de maintien de la paix de la fin des années 1990-2000 sur lesquelles le Canada s’était beaucoup impliqué.

 

Au titre des forces africaines, on assiste à une recomposition du système sous-régional. La MISMA qui était initialement la force de la CEDEAO, forte néanmoins de 6000 soldats - ne l’est déjà plus puisque ceux qui combattent réellement sont les 2 500 tchadiens (dont il faut saluer le courage et qui ont déjà perdu 28 soldats). On voit bien que la CEDEAO n’est pas forcément l’outil le plus efficace pour assurer la sécurité dans son espace dès lors que le Tchad n’en fait pas partie. La difficulté à laquelle on n’a pas encore trouvé de réponse, c’est que la question sahélienne n’est pas traitée par une seule organisation et qu’il n’y a pas une cohérence de points de vue où tous les acteurs seraient à la même table.

 

A titre d’exemple, le Maroc fait partie de la CEN-SAD (elle en assure, du reste, l’actuelle présidence) mais pas de l’UA, et l’Algérie ne fait pas partie de la CEN-SAD. Pourtant on ne peut pas imaginer une solution sans l’Algérie ou le Maroc. 

                                                                  

 


Le Général LECOINTRE, en charge de la mission EUTM, a déclaré dans une interview du 18 mars dernier (Jeune Afrique) n'avoir aucune relation avec le Capitaine Sanogo. Cet état de fait est-il révélateur d'une volonté de restructurer l'armée malienne sur la base du loyalisme à l'autorité politique légitime ?

 

ED : D’abord, le Général Lecointre représente d’une certaine façon l’UE sur le territoire, mais il n’a pas de mandat de représentation politique, et reporte au Comité Militaire de l’UE et au Service d’Action extérieure de l’UE (SAEUE). Mais il ne faut pas pour autant mettre le Capitaine Sanogo en dehors du jeu politique, au contraire ! La raison pour laquelle la CEDEAO a exigé que l’on crée ce Comité de Réforme des Forces Armées et qu’on le confie au Capitaine Sanogo était justement de le « démilitariser » et de l’amener concrètement depuis sa base - la garnison et camp retranché de Kati jusque dans le cœur même du Bamako « politique ». Donc même s’il n’a pas de liens avec le Capitaine Sanogo, je ne vois pas pourquoi le Général Lecointre n’en aurait pas.

 

Le Capitaine Sanogo et le Président Traoré ont été très clairs, ils ne se présenteront pas à l’élection présidentielle. Mais il faudrait être très naïf pour penser qu’ils n’auront pas une influence sur les forces armées d’un côté et la classe politique de l’autre. Les élections porteront précisément là-dessus : le rôle des forces armées et la légitimité du pouvoir politique afin de ne pas sombrer à nouveau dans ce qu’on a connu : malgouvernance, incapacité de l’Etat à assurer une homogénéité de ses fonctions régaliennes (emploi et sécurité, « vivre ensemble »).

 

Et surtout, on ne peut pas recomposer la vie politique malienne sans tenir compte du poids des militaires car ils représentent le corps politique et social constitué le plus solide, et il y en a peu au Mali ! Mais les forces armées doivent recouvrer le principe du contrôle politique et réapprendre la prégnance légitime de l’exécutif sur le militaire.

 

 

Comment seront abordées les nombreuses milices périphériques à l’armée malienne dans le cadre de l’EUTM  ?

 

ED : Nul ne sait aujourd’hui quelle est la teneur exacte de l’armée malienne. Les chiffres varient autour des 12 000 soldats qui étaient plus ou moins identifiés au sein de l’Armée de terre, d’autres chiffres penchent plutôt pour 25 000 hommes. Il y a eu, en tout état de cause, beaucoup de désertions, beaucoup de soldats sont passés dans l’insurrection, et beaucoup ne sont simplement pas partis combattre.

 

C’est une question à laquelle on ne s’est pas encore beaucoup attelé et pourtant on a eu une partie de la réponse lorsque l’armée malienne a sollicité les 4 800 miliciens (selon les estimations) pour leur proposer la réintégration dans les forces armées. 600 d’entre eux ont répondu à cet appel quasiment du jour au lendemain. L’EUTM doit former quatre régiments dont on connaît précisément l’origine, la teneur, et la nature. Qu’adviendra-t-il dans 15 mois lorsque le gouvernement malien demandera une généralisation de cette formation pour qu’il y ait une homogénéité dans ses forces armées ? C’est une question à laquelle je n’ai pas de réponse mais qu’il conviendrait que l’on prenne en compte tout de suite. Dans tous les cas, il est hors de question de former des miliciens.

 

 


Au Tchad, le Président DEBY se trouve dans une situation difficile du fait de l'éloignement d'une partie importante de ses troupes (2 500) actuellement déployées au Nord Mali et de la réactivation de l'insurrection de l'UFR. Qui serait susceptible de porter secours au gouvernement tchadien dans l'hypothèse où la situation deviendrait critique ?

 

ED : Je ne suis pas du tout certain que le gouvernement tchadien soit en danger. Je pense qu’au contraire, le Président Déby, nonobstant la rébellion qui a failli lui coûté son siège et sa vie en 2008, a réaffirmé et a retourné une situation ce qui il y a quelques années était impensable. Nous en sommes, nous français, les premiers étonnés ! Rappelez-vous, en 2008, la longue hésitation sur le fait de soutenir ou non le Président Déby, alors que les rebelles étaient à 200 mètres à peine du Palais Rose.

 

Le Président Déby a reconstitué une véritable armée, dont le fer de lance est constituée de toubous, ceux-là même qui ont remarquablement bien aidé les militaires français au cours de l’opération de ratissage des Iforas (opération Panthère IV). Nous l’y avons aidé, et les américains également. Il s’est également constitué à travers ses forces armées et ses forces de proximité une sorte de maillage sur lequel il peut s’appuyer. Je ne crois absolument pas qu’il soit en danger. Bien au contraire ! Il est en train d’occuper une fonction qui était autrefois celle du Colonel Kadhafi en tant que médiateur panafricain. Il est en train de remplacer à ce titre le Président Bozizé qui se trouve affaibli par la situation politique dans son pays (suite aux élections législatives et municipales de novembre dernier au Burkina Faso).

 

Le Tchad joue donc sur plusieurs feux, et il est d’autant moins affaibli que la rébellion à laquelle il doit faire face de manière régulière est totalement engluée dans les oppositions entre le Sud et le Nord Soudan, la reprise des hostilités au Darfour et les effets collatéraux du coup d’état à Bangui, qui vit la chute de l’allié traditionnel tchadien : le président Pierre Bozizé. Ce dernier était, du reste, arrivé au pouvoir en 2003, au profit d’un coup d’Etat rendu possible grâce au soutien tchadien. Le Tchad y a d’ailleurs stationné des troupes au sein de la MICOPAX, la mission de consolidation de la paix de la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC), mission multidimensionnelle visant à consolider la paix et la stabilité, à aider au développement du processus politique et au respect des droits de l'homme mais dont la mission intrinsèque était justement d’empêcher la progression de la rébellion Seleka, désormais au pouvoir à Bangui. Dans tous les cas de figure, ayant prouvé sa capacité à aider la Communauté Internationale et à travers elle les Nations Unies, l’Union Africaine, l’Union Européenne et accessoirement la France, le Président Déby dispose d’une excellente « assurance vie » sur le long terme puisqu’il n’aura probablement aucune difficulté à obtenir une intervention extérieure en cas d’appel au secours de sa part.

 

di Etienne Marchadier

 

 

Crise du Malì (continuation)

Emmanuel DUPUY, Professeur de Géopolitique, Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe IPSE (think tank indépendant situé à Paris, créé en 1980 dédié à l’analyse prospective de l’espace géopolitique européen, notamment son voisinage stratégique méridional et oriental), ancien Chargé de mission au sein de plusieurs cabinets ministériels (Défense et Anciens Combattants), ex chargé d’études au sein de l’IRSEM (Institut de Recherche et d’Etudes Stratégiques de l’Ecole Militaire).

 

Que sait-on des axes de travail de Michel Reveyrand de Menthon (mandaté par l'UE) pour une solution politique durable au Sahel ? Quels en seraient les enjeux au titre du développement de la région sahélienne ?

 

ED : La mission du Représentant Spécial chargé de la mise en œuvre de la Stratégie de l’UE pour le développement de la sécurité au Sahel - péniblement adoptée en mars 2011, dans l’optique de traiter la crise au Sahel sous une « approche globale » - comporte 4 volets et s’articule en actions de court terme (inférieures à 3 ans) et de long terme (de 5 à 10 ans) : 

 

      -   Développement, bonne gouvernance et règlement des conflits internes ;

      -   Action politique et diplomatique ;

      -   Sécurité et Etat de droit ;

      -  Prévention et lutte contre extrémisme violent et radicalisation.

 

Le premier volet consiste à réinstaurer la bonne gouvernance au Mali, le deuxième à réaffirmer une homogénéité de la sécurité sur l’ensemble du territoire, le troisième à veiller au processus politique en assurant la tenue d’élections libres et transparentes. Le Ministre Français des Affaires Etrangères Laurent Fabius était il y a de cela quelques jours au Mali pour réaffirmer l’ambition française qui est que la France souhaite avec insistance que les élections soient impérativement organisées d’ici le 31 juillet prochain. Inutile de vous dire que quand on revient du Mali, ce qui est mon cas il y a de cela quelques semaines, il est clair que c’est un vœu pieux. C’est littéralement et matériellement impossible. Mais toujours est-il que c’est une ambition !

L’UE a, pour sa part, une autre ambition, qui est d’assurer la transition en accord avec l’agenda de la Communauté Internationale. Et c’est toute la réflexion sur la passation de pouvoir, la transmission, entre l’Opération Serval, la montée en puissance de la MISMA renforcée par les soldats Tchadiens, et la mise en place concomitamment d’EUTM Mali (la mission européenne entamée depuis la semaine dernière pour la formation de 4 régiments de l’armée malienne – 3 000 hommes - en 15 mois).La dernière mission à laquelle doit donc s’atteler « Monsieur Sahel » de l’UE, c’est l’instauration d’un climat politique stable (en lien avec les autres Monsieur Sahel mandatés par les autres interlocuteurs internationaux) en vue de mettre en place un processus de Réconciliation nationale. C’est à ce titre qu’a été mis en place un Comité Dialogue et Réconciliation (effectif depuis le 6 mars dernier, mais dont seulement trois membres sur trente ont été désigné) et d’un Comité de Réforme des Forces Armées, sous l’autorité du Capitaine Sanogo. Une des ambitions auxquelles l’UE tient beaucoup, et qui s’inscrit également dans celles auxquelles traditionnellement la Communauté internationale s’attelle, est le contrôle politique et parlementaire des forces armées (DDR) et la Réforme des Systèmes de Sécurité (RSS). Voilà à peu près le canevas de l’action de Monsieur Sahel.

 

Et en arrière plan, il reviendra à Michel Reveyrand de Menthon de réaffirmer l’engagement réel de l’UE, critiquée pour son absence « ostensible » alors même qu’elle est engagée depuis une décennie à travers un saupoudrage d’actions, selon l’image d’une lente sédimentation. Cela fait une dizaine d’années, en effet, que l’UE investit non seulement le Mali mais l’ensemble de la sous-région à travers des financements importants de l’ordre d’un milliard et demi d’euros, L’UE distribue, en effet, une enveloppe financière consacrée à des projets de développement d’une ampleur considérable : 503 millions d’euros pour le Mali, 458 millions pour le Niger et 156 millions pour la Mauritanie. Au-delà, une mission d’assistance et de conseil des forces de sécurité nigérienne au Niger (EUCAP Sahel- Niger) et un certain nombre de projets de formation et de lutte contres les trafics (tels que la mise en place d’un Projet de Collège Sahélien de Sécurité qui devrait s’appuyer sur le modèle de l’Ecole de formation au maintien de la paix situé à Kolikoro à une soixantaine de km de Bamako ; la mise en place d’une sorte d’INTERPOL de l’Afrique de l’Ouest : le West African Police Information System (WAPIS), partie intégrante du plan d’action de l’UE contre le narco-trafic, et bien évidemment un soutien aux forces armées locales afin qu’elles soient au niveau pour combattre les menaces qui pèsent - au-delà du Mali - sur plusieurs pays de la sous-région).

 

di Etienne Marchadier

 

 

Crise du Malì

Emmanuel DUPUY, Professeur de Géopolitique, Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe IPSE (think tank indépendant situé à Paris, créé en 1980 dédié à l’analyse prospective de l’espace géopolitique européen, notamment son voisinage stratégique méridional et oriental), ancien Chargé de mission au sein de plusieurs cabinets ministériels (Défense et Anciens Combattants), ex chargé d’études au sein de l’IRSEM (Institut de Recherche et d’Etudes Stratégiques de l’Ecole Militaire).

 

 

Que révèle la série des démissions au Ministère des Affaires Etrangères sur le sujet malien ? Les perspectives d'accompagnement et de développement en sont-elles fragilisées ?

 

ED : La nomination de Monsieur Gilles Huberson, qui est maintenant notre nouvel ambassadeur au Mali, témoigne effectivement d’un changement de nature dans la sociologie de notre représentation diplomatique qui met effectivement en danger ce que vous évoquez mais ouvre également une autre perspective que l’on n’a pas nécessairement à l’esprit. Les autres mandatés sur la zone Sahel (de l’Union Européenne, de l’Union Africaine ou encore le représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU) ont tous des profils très politiques et très diplomatiques (anciens présidents ou ayant exercé des fonctions étatiques). Or, il se trouve que nous avons choisi de ramener quelque peu la gestion de ce dossier à la question sécuritaire. Il s’agit dès lors de convaincre les interlocuteurs français (les ONG, les ministères des Affaires Etrangères et de la Défense) que l’ambition de sécurisation rejoint celle de la stabilisation.

 

C’est là où il y a sans doute un problème parce que la nature même de notre implication sur le terrain est encore très éloignée de cette mission de stabilisation. On est encore dans une phase de contre-terrorisme, pas encore dans une opération plus globale de lutte contre le terrorisme. Lutter contre le terrorisme, c’est faire en sorte d’asseoir la bonne gouvernance, faire en sorte de prolonger l’action d’aide au développement sur le plus long terme, trouver une réponse au problème des réfugiés et les réinstaller sur les terres dont ils ont été chassés. Tout ça pour dire que je ne suis pas certain que la configuration actuelle de notre outil diplomatique puisse répondre à ces problèmes…encore.

 

Tout le monde sait que le Ministère de la Défense a annoncé que nous partirions à la fin du mois. Il a évoqué le départ de 3 000 soldats, laissant 1 000 soldats français sur le territoire. Mais il n’a pas évoqué la suite : à savoir, qui viendrait assurer la suite, dans une perspective de continuum de la sécurisation du Nord-Mali. C’est sans doute là qu’il y a un énorme travail à faire et je ne suis pas certain que cela puisse être mis en place à travers l’outil de coordination que nous avions jusqu’alors. Il s’agissait d’une Task Force Sahel qui regroupait non seulement le Ministère des Affaires Etrangères et de la Défense, mais aussi d’autres acteurs étatiques. Il se trouve que dorénavant la Task Force dont l’on parle - à savoir une mission similaire de coordination interministérielle Mali-Sahel (MMS) au sein de la Direction de l’Afrique - Océan Indien (DAOI) du ministère des Affaires étrangères - est une mission qui regroupe quasi-exclusivement ces seuls deux ministères.

 

di Etienne Marchadier